Introduction 

Guillaume Apollinaire publie une première fois «Le Pont Mirabeau» en février 1912, peu après sa rupture entre Marie Laurencin. Dans le recueil Alcools, paru en 1913, le poète a placé «Le Pont Mirabeau» en deuxième place, juste après «Zone». C'est un poème lyrique, élégiaque: observons ce mouvement lyrique en l'étudiant.  

Plan, progression du poème

  • 1er quatrain : le lieu du souvenir (Apollinaire a vécu une grande histoire d'amour avec la peintre Marie Laurencin de juillet 1907 à juin 1912. Tous deux ont souvent emprunté ensemble le pont Mirabeau.)
  • 2e quatrain : les souvenirs de la liaison amoureuse (mains dans les mains, face à face, nos bras)
  • 3e quatrain : la fin de l'amour (L'amour s'en va...)
  • 4e quatrain : la fuite du temps

Remarque : ce poème part de l'expérience particulière (première moitié) pour généraliser (l'amour, le temps)

Vers, mètres

  • tétrasyllabe : le 2° vers de chaque quatrain (en réalité le premier hémistiche d’un décasyllabe)
  • hexasyllabe : le 3° vers de chaque quatrain (en réalité le deuxième hémistiche d’un décasyllabe)
  • heptasyllabe : les deux vers du distique qui constitue le refrain
  • décasyllabe : le 1° et le 4° vers de chaque quatrain
  • distique : le refrain

Sonorités

  • rime féminine : partout (sauf le 2° vers de chaque quatrain
  • rime masculine : aucune (le 2° vers de chaque quatrain a une finale masculine, mais elle ne rime avec rien)
  • rime interne : dans le 1° quatrain : amour / toujours
  • allitérations : en L, M et N dans tout le poème; en S dans le dernier quatrain
  • assonance : en O et ON dans tout le poème
  • synérèse : refrain : vienne, nuit
  • diérèse : vi-o-lente 

Grammaire 

  • 1° personne du pluriel : nos v.2, 9; restons v.7
  • 1° personne du singulier : m’ v.3; je 2° v. du refrain; 
  • présent d’énonciation : v.1, le 2° v. du refrain
  • présent de vérité générale : surtout dans le dernier quatrain (Ni les amours reviennent) et la fin du troisième quatrain (la vie est lente, l’Espérance est violente)
  • parataxe et asyndète : entre les 4 propositions du refrain; entre les proposition du premier quatrain

Figures

  • métaphore : 2° quatrain : nos bras forment comme un pont; les éternels regards sont comme une onde lasse (+ 1er quatrain : les amours coulent comme le fleuve)
  • antithèse : dans le refrain s’en vont / je demeure ; dans le 3° quatrain lente / violente 
  • chiasme : dans le refrain, le 1° vers contient deux fois verbe puis Sujet, le 2° Sujet puis verbe
  • comparaison : dans le 3° quatrain, au v.13, et, peut-être aux v.15 et 16
  • anaphore rhétorique : dans le 3° quatrain L’amour s’en va 2x, comme 3x
  • paradoxe : l’Espérance serait violente ? par ailleurs, la rime lente / violente allie deux qualificatifs opposés (>antithèse) 
  • personnification : dans le 3° quatrain L’amour (qui s’en va), l’eau (courante) ; 
  • antépiphore : reprise du 1° vers au dernier vers du dernier quatrain

Divers

  • aparté : v.3 (intervention personnelle du poète)
  • mot valise : Mirabeau ressemble à mirer+beau

Observations complémentaires

  • L'Espérance, en tant que vertu théologale, à la différence de l'espoir, implique la volonté. Dire que "l'Espérance est violente", n'est-ce pas suggérer le devoir de se faire violence?
    Autre interprétation: l'espoir est violent dans la mesure où il provoque des désillusions.
  • Et nos amours (la conj de coord "Et" au début du v.2, en coordonnant "nos amours" et "la Seine" suggère que "nos amours" pourrait être S de "coulent" sous entendu)
  • Au v.15, "Comme" est-il seulement adverbe d'intensité, pour introduire les deux exclamatives? Ou bien y a-t-il une comparaison suggérée entre la façon dont l'amour s'en va et la vie, qui s'en va lentement.
  • le refrain rappelle un vers du Testament, de François Villon, 23ème octain "Allé s'en est [le temps de ma jeunesse], et je demeure"

Commentaire analyse linéaire de Médiaclasse (https://www.youtube.com/watch?v=GTL89MnLKzc)

Problématique: Comment ce pont Mirabeau permet-il à Apollinaire de donner une forme poétique moderne au topos littéraire traditionnel de la perte amoureuse et du temps qui passe? 

Axes d'analyse

  • Réappropriation d’un héritage culturel
  • Recherche d’une modernité poétique
  • Un lyrisme qui tend vers l’élégie
  • Liberté d’écriture et musique
  • L’éternel et le transitoire
  • Une expérience à la fois personnelle et universelle

Autres ressources à consulter : 
 - analyse linéaire : https://www.bacdefrancais.net/pontmirabeau.php 

 

Questions de grammaire 

• En l'absence de ponctuation, qu'est-ce qui prouve que le vers 3 est une phrase interrogative ? 
«Faut-il qu'il m'en souvienne»

Réponse: dans cette phrase complexe, la proposition principale «Faut-il» est interrogative: le Sujet apparent est inversé (il est placé après le verbe)

• Dans le deuxième quatrain, analysez la proposition subordonnée circonstancielle.

Réponse: 
   «Les mains dans les mains restons face à face 
   [Tandis que (sous
   Le pont de nos bras) passe
   (Des éternels regards) l'onde si lasse]»
Cette phrase complexe, dont la principale est à l’impératif, contient une proposition subordonnée conjonctive, introduite par la conjonction de subordination «tandis que» : celle-ci a la fonction Compl. circ. de temps et est au mode indicatif.

• «Ni temps passé
Ni les amours reviennent»
Analysez l'expression de la négation dans cette phrase.  

Réponse: dans cette phrase, la négation est exprimée par la conjonction de coordination «ni», c’est donc une négation syntaxique; elle porte sur deux Sujets possibles du verbe «reviennent»; grammaticalement c’est donc une négation partielle.