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Quelques citations sur le thème de l'État : 

  • — Hélas, ils peuvent tout, Korsanke, répliqua Stilling en rassemblant ses papiers couverts de chiffres. Ils peuvent d'un trait de plume réduire à rien les emprunts de guerre et nous imposer un nouvel emprunt. L'État n'a pas de conscience. Toutes les puissances anonymes derrière lesquelles il n'y a pas un individu n'ont pas de conscience. Là où deux ou trois personnes seulement s'unissent, cela constitue une firme ou une société, mais pas une conscience. Seul l'individu isolé en a une, toi ou moi, par exemple. (p.613-614)
  • [Jons] écoutait patiemment, attentivement, respectueusement, et lorsqu'il se retrouvait dans la rue et levait les yeux vers les étoiles sans éclat, si son esprit n'était pas plus informé, il se sentait plus résolu. Oui, plus résolu encore à «adoucir» le sel de la terre, et il pensait, avec un sourire amer, aux croix innombrables tombant en ruine dans tous les coins du monde, sous lesquelles pourrissaient les mains et les cœurs de ceux qui, comme lui, s'étaient senti la vocation d'entreprendre cette œuvre difficile. Hélas! l'État avait jugé plus urgent de les envoyer à la mort plutôt que vers la vie. Et il était tout à fait indifférent qu'ils y eussent été envoyés par une dictature ou par la démocratie. (p.638)
  • Ils [les “officiels”] firent d'autres discours où il n'était plus question cette fois des «puissances éternelles» mais du «loyalisme des populations laborieuses». Et les gens de Sowirog les écoutèrent ainsi qu'ils avaient toujours écouté chaque fois que l'État leur avait déversé les enseignements de sa sagesse. Ils se contentaient de tourner de temps à autre les yeux vers le seigneur von Balk, mais celui-ci restait confortablement assis sur son siège, avec un sourire sur ses lèvres minces, et le soleil pascal luisait sur les boutons de son dolman. 
    «Lorsque je suis venue ici, lui disait à voix basse, la femme du ministre, je croyais qu'il s'agissait d'une tribu païenne à laquelle nous amenions le premier missionnaire. Et voilà qu'ils sont presque comme d'autres hommes!
    — Oui, répliqua Balk avec un imperturbable sérieux; du moins ils paient des impôts et partent pour la guerre, lorsque leur en vient l'ordre, et en cela ils sont tout à fait humains. Mais pourtant ce sont des fieffés païens, car ils croient encore en Dieu.»
    Elle lui jeta un regard de côté, mais elle crut préférable de se taire. Décidément, la noblesse aussi était un peu étrange dans cette région-ci. (p.932) 
  • L'État, parlons-en! Qu'est-ce que l'État pour ces petits villages? Est-ce quelque chose comme la forêt? Mais la forêt se compose d'arbres qu'on peut voir et toucher. Ils fleurissent et donnent de l'ombre et quand ils sont vieux, ils vous réchauffent le cœur, vous apportent réconfort et paix. L'État serait-il quelque chose comme le temps des saisons? Mais le temps, c'est tour à tour soleil et pluie, grêle et neige, et il faut tout cela réuni pour faire le temps. L'État, est-ce la réunion de tous les Landräte, de tous les présidents de gouvernement, et ainsi de suite? Mais il n'est pas cela non plus, car le successeur de Korsanke en fait partie, ainsi que Maschlanka et les jeunes gaillards à motocyclette qui vous écrasent par-ci par-là une poule et puis vont font encore signe de la main, à travers leur nuage de poussière, comme pour vous féliciter de ce rôti inespéré.
    Non, l'État doit être autre chose. Quelque chose d'invisible, comme par exemple la conscience, qu'on ne voit pas, bien qu'elle soit toujours là, et précisément au moment où on l'attend le moins. Après tout, le mieux, c'est de n'y pas penser. On le laisse gouverner les États, les grandes villes, et il se pourrait qu'il oublie les petits villages. Ils n'ont pas besoin de lui, ils se suffisent. Et si quelque chose cloche, eh bien, Jons est là, ou le pasteur, ou le seigneur von Balk. (p.1022)
  • Un œil mystérieux est ouvert sur la ville, qui surveille tous ses pas. Cet œil invisible, qui suit toutes ses démarches, c'est précisément l'œil de l'État. C'est comme l'épeire cachée au sein de sa toile, mais dont les yeux invisibles s'allument également dès qu'un léger tremblement court par les fils tendus, et les yeux de l'État suivent de même tous les mouvements de l'étranger qui foule les rues. (p.1023)