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Introduction
Le Sermon sur la mort fut prêché par Bossuet devant la cour de France durant le Carême 1662. Le roi Louis XIV avait 24 ans. Bossuet, qui était alors chanoine de la cathédrale de Metz, avait déjà été invité à venir prêcher à Paris, dans des paroisses ou des couvents, mais c'était la première fois devant la cour: il y avait trois sermons, c'est-à-dire conférences spirituelles, par semaine. 

Le titre indique la mort comme thème, toutefois le véritable thème est l'homme. Mettons en évidence les qualités rhétoriques et didactiques du prédicateur dans cet extrait. 

Equivalences lexicales
- dissolution ≡ séparer
- composé ≡ société
- distinctement ≡ dans sa pureté (= sans mélange)
- notre nature ≡ notre être (='ce que c'est que')

Questions de compréhension
1° A quelle science se rapporte l’idée exprimée dans les deux premières phrases de l’extrait?
2° A qui l’orateur s’adresse-t-il dans cet extrait
3° D’après cet extrait, quelle sera le thème central du sermon.

Questions d'analyse
1° Analyser les connecteurs logiques. 
2° Relever les antithèses. 
3° Relever le vocabulaire des sciences de la nature. 

Analyse détaillée  

Phr.1-2 (l.1-3) La 1° phrase affirme une idée philosophique induite d'une observation de la physique, à la manière d'Aristote. La deuxième phrase argumente cette idée, en exprimant d'abord la cause (‘Comme...’) de la difficulté à connaître la nature d'un composé (« les parties s'altèrent mutuellement ») puis en tirant la conséquence pratique :  « il faut les séparer... », le terme «séparer» reprenant «dissolution».

'En effet' introduit l'application de l'idée à l'exemple de l'âme et du corps : ceux-ci forment un composé, l'homme vivant. Ce qu’est l’âme et ce qu’est le corps n’est pas connu correctement parce que chacun des deux modifie l’autre. L’idée de la 1° phrase sert d’argument logique pour introduire le projet de Bossuet: observer l’âme et le corps au moment où ils se séparent, c’est-à-dire à la mort (l.5-6).

Rem. La distinction entre âme et corps n'est pas une idée d'origine chrétienne ou biblique : c'est une vérité de la philosophie classique.

La conjonction de coordination 'Mais' (l.5) exprime un rapport logique d'opposition, pour mettre en valeur le retournement de situation quand les deux parties du composé se séparent. Le caractère narratif des l.5-6, souligné par la conjonction de subordination ‘lorsque’, met du mouvement dans ce raisonnement logique.

C'est lorsque chaque partie 'retourne' là d'où elle vient, qu'elle apparaît clairement pour ce qu'elle est. Au passage, Bossuet en profite pour rappeler que l'âme vient du ciel.

'Ainsi', introduit la conséquence, en réintroduisant la mort qui est l'agent de la séparation de l'âme et du corps. La mort est ici présentée comme active, de façon allégorique : elle 'ravit', elle 'laisse', elle porte des 'coups'…
'de sorte que' : Bossuet reprend la parole pour introduire la conséquence finale du raisonnement ('je ne crains point d'assurer…') qu'il met en valeur avec une double antithèse (mort, ombres épaisses / lumière immortelle pour éclairer)

Le sujet (la problématique) du Sermon sur la mort n'est donc pas la mort mais «ce que c'est que l'homme» (l.9), comme il a été exprimé déjà plus haut dans cette deuxième partie de l'exorde ('venez apprendre ce que c'est que l'homme').

La première apostrophe «ô mortels» (l.12) s'adresse aux auditeurs, à l'impératif. Le 'donc' souligne le rapport logique de conséquence : ce n'est qu'une conséquence pratique, une reformulation de la même idée qu'au-dessus mais en reprenant l'image du début de l'exorde, celle du texte : voir un mort, ouvrir un tombeau. Le texte du sermon est repris en fin de phrase: cet écho signale que l'on arrive à la fin de l'exorde.

Bossuet multiplie ici les antithèses destinées à cerner la mort, sa dualité : 'fin' / 'commencement', 'dissolution' / 'renouvellement', 'vie' / 'mort'. À la l.13, celle opposant 'desseins' et 'espérances' met en valeur le sens spirituel du mot 'espérance': il ne s'agit pas d'un espoir humain, celui qui nous  fait croire en nos desseins, nos buts personnels, mais dans l'espérance comme vertu théologale. 

Bossuet s'adresse ici à son public avec le terme 'mortels', terme universel assez courant en philosophie pour désigner tous les hommes. Il ne s'adresse donc pas seulement aux fidèles présents mais à tous les hommes.
apostrophe : figure de rhétorique par laquelle l'orateur, interpelle quelqu'un, ou quelque chose qu'il personnifie. 
La deuxième apostrophe s'adresse à la mort personnifiée. Bossuet la tutoie. 

Les antithèses nombreuses continuent d'annoncer la division (c'est-à-dire l'annonce du plan) : 'lumières' / 'ignorance' ; 'bassesse' / 'dignité', 's'estime trop' / 'se méprise' etc.