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Au théâtre, la plupart du temps, les personnages s'adressent l'un à l'autre.

Cependant, ce qu'ils disent est aussi destiné au spectateur (ou au lecteur): le destinataire de l'énonciation est donc double. L'auteur écrit les répliques avec le souci d'informer et d'émouvoir les spectateurs (ou lecteurs), tout en respectant la cohérence du dialogue entre les personnages. Ce procédé permet notamment à l'auteur de faire passer un message : moral chez Corneille, grâce aux sentences comme «Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années.»; social et politique chez Beaumarchais, par exemple dans le monologue de Figaro à l'acte V, scène 3 de Beaumarchais : Le Mariage de Figaro (1781/1784), où l'auteur lui fait s'exclamer, comme s'adressant au comte qui est absent «Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus». 

L'auteur peut tirer parti de cette double énonciation pour entretenir la tension dramatique: ainsi, dans Marivaux : Les fausses confidences - II, 13 extrait, Araminte torture moralement Dorante en lui faisant croire qu'elle va épouser le comte; les spectateurs, eux, savent bien que ce n'est qu'un «piège», puisqu'elle l'a annoncé à Dubois à la scène précédente. 

Par ailleurs, une réplique peut s'adresser apparemment à un personnage, mais viser en réalité un autre. Par exemple, dans le dénouement Marivaux : Le Jeu de l'amour et du hasard - III, 9, Silvia s'adresse à son père, en l'appelant «Mon père» pour lui signifier qu'elle consent au mariage qu'il a proposé, mais elle veut aussi faire entendre à Dorante qu'elle est la jeune fille qui lui est promise...